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Sicpa
Sicpa ou les affaires opaques du roi de la traçabilité

Sicpa ou les affaires opaques du roi de la traçabilité

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Introduction

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De loin, cela pourrait ressembler à n’importe quel chantier. Des grues immenses qui surplombent un sol terreux, chargé de poussière. Des barrières qui empêchent l’accès à une large zone en travaux.

Des ouvriers portant un casque qui se déplacent d’un endroit à l’autre. Nous sommes à Prilly, une zone industrielle sans charme située au nord-ouest de Lausanne. Mais ce qui se construit ici est beaucoup plus qu’un énième bâtiment carré et vitré.  Il s’agit du “unlimitrust campus”, dont le but est de développer des “solutions technologiques” qui “favorisent l'économie de la confiance”.

Ce projet est soutenu par le canton de Vaud et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) . Son but? Créer des collaborations afin de stimuler la recherche et l'entrepreneuriat dans le secteur de la traçabilité ainsi que la sécurité des produits numériques et physiques.



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Le créateur de cet “écosystème” est une entreprise familiale née dans la région au début du XXe siècle, Sicpa. Son sigle est inconnu du grand public, et pourtant, la plupart des habitants de cette planète ont un jour eu entre les mains un produit portant son produit phare: de l’encre.
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Sicpa n’est ni un imprimeur, ni un éditeur. C’est un fabricant d’encre de qualité, une encre haut de gamme, impossible à reproduire. En près d’un siècle d’existence, cette société a conquis le monde avec son philtre magique, d’abord apposé sur les billets de banque, puis sur des timbres qui garantissent le suivi des bouteilles d’alcool et des cigarettes dans de nombreux pays. Sicpa a construit sa réputation sur la confiance.
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Depuis près d’un siècle, cette confiance s’est bâtie sur le secret. Détenue par la famille fondatrice, Sicpa n’est pas cotée en bourse. Sans investisseurs extérieurs, elle n’a pas de comptes à rendre. Largement ignorée par la presse économique, les informations qui perçaient jusqu’ici à son sujet provenaient, au compte-gouttes, de son service de presse.


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Tout au long de notre enquête, nous avons constaté le même phénomène: plus nos interlocuteurs étaient familiers de l’entreprise, plus ils réclamaient l’anonymat. Qu’ils soient employés, anciens ou actuels, ou encore concurrents, tous ont posé la même exigence dans la vingtaine d’entretiens que nous avons menés. La raison est simple: ceux qui connaissent Sicpa et son secteur d’activité savent que le secret est une règle imposée. Et au-delà du cercle des initiés, rien ne perce, ou presque.
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Depuis quelques années pourtant, cette culture du secret est mise à mal. L’entreprise a été prise sous le feu de plusieurs enquêtes pour corruption. Tant que ces enquêtes n’ont pas abouti à des condamnations, la présomption d’innocence est évidemment de mise. Sicpa a par ailleurs eu l’occasion de se prononcer sur chacune des accusations mentionnées dans cet article.  

Les procédures judiciaires menées en Suisse et à l’étranger ont néanmoins jeté une lumière crue sur ses activités. Elles ont aussi obligé l’entreprise à s’expliquer. Nos recherches se basent donc en grande partie sur les documents issus de ces enquêtes, et de procès entre les héritiers de la famille.
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"Il est important de rappeler que la corruption de fonctionnaires étrangers n'est devenue illégale en Suisse qu'en 2000,” souligne Adrià Budry Carbó, enquêteur de l’ONG Public Eye. “Auparavant, les entreprises pouvaient compter les 'commissions' comme des charges, et donc les déduire de leurs impôts. Certaines entreprises suisses qui étaient actives depuis longtemps dans des pays exposés ont eu du mal à s'adapter. Ce changement de culture s'est parfois fait dans la douleur.”
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En effet, avec les années et les différentes successions de la famille Amon à sa tête, les valeurs originelles de l’entreprise se sont diluées. L’entreprise est aujourd’hui accusée de corruption par le Ministère public de la Confédération, qui mène une enquête depuis 2015 sur ses agissements dans plusieurs pays du monde.

Quand la procédure a été ouverte, elle portait sur des faits ayant eu lieu dans 14 pays: Ghana, Togo, Philippines, Egypte, Brésil, Inde, Kazakhstan, Colombie, Nigeria, Pakistan, Sénégal, Ukraine, Venezuela, Vietnam. Elle est toujours en cours, nous confirme aujourd’hui le parquet fédéral, sans donner plus de précisions. Au Brésil, l’entreprise a versé 135 millions de francs pour mettre fin à ses ennuis judiciaires et pouvoir continuer d’y faire des affaires. Face aux autorités suisses, pourtant, Sicpa continue de clamer son innocence.
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Philippe Amon, actuel directeur de l’entreprise, est lui aussi sous enquête du Ministère public de la Confédération pour corruption d'agents publics étrangers depuis 2021. Des soupçons qui pèsent sur la réputation de la firme, dont la concurrence est aux aguets. 
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Cette enquête remonte aux origines de Sicpa, et tente d’y voir plus clair dans la tourmente qu’elle traverse. Pendant plusieurs mois, nous sommes partis à la recherche d’informations sur la plus mystérieuses des entreprises vaudoises en fouillant dans les archives fédérales, en analysant des documents de justice, en décryptant l’activité de la société à l’étranger à l’aide de correspondants, et en interviewant près d’une vingtaine de personnes spécialistes du secteur. La plupart ont souhaité rester anonymes.
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De la graisse à traire aux encres de sécurité

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Lausanne, 1927. Chaque matin, dans une aube glaciale, des milliers de Suisses enfourchent leur botte-cul, tabouret à pied unique, pour traire leurs vaches. Après des siècles de pauvreté crasse, le pays se relève et commence à se faire connaître pour la douceur de son lait et le crémeux de son chocolat. Dans l’étable, pour protéger leurs mains des crevasses et ne pas abîmer les pis de leur bête, les paysans se tartinent de graisse à traire. Dans le canton de Vaud, l’un de leurs principaux fournisseurs s’appelle Maurice Amon.
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De lui, on sait peu de choses. Né dans l'île grecque de Rhodes en 1880, ce juif sépharade a immigré en Suisse dans sa jeunesse. C’est là que ce travailleur acharné invente sa graisse à traire et trouve rapidement le succès dans le canton de Vaud. La formule, un mélange de paraffine et de vaseline, a tout d'abord été inventée en 1882 par le chimiste suisse Adolphe Panchaud. Maurice Amon en reprend le principe avec un packaging très efficace. Le sourcil circonflexe et la moustache lissée, l’homme vend à tour de bras ses boîtes rouge et blanc dans l’entre-deux guerres. Le nom de son entreprise? La Société industrielle et commerciale de produits alimentaires - Sicpa. 
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Les années passent et vient le temps de la prospérité. Pour la Suisse d’abord, qui profite de sa neutralité pour accueillir les capitaux pendant la deuxième guerre mondiale, et développer une industrie de qualité. Pour Sicpa ensuite, qui acquiert une belle renommée.  
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Mais cela ne suffit pas à Maurice Amon. La graisse, c’est bien beau, mais il veut voir plus haut. Avec Albert, son ambitieux fils aîné, il réalise que son produit est un élément clef pour en fabriquer un autre: de l’encre. Au début du XXe siècle, la technique d’impression offset est en pleine expansion. Le pigment, mélangé à de la matière grasse, est déposé sur les plaques, tandis que de l’eau coule sur les zones qui doivent rester vierges. La presse mondiale profite de cette nouveauté pour augmenter son tirage et faire des profits. La révolution industrielle est en cours, l’économie se transforme.  
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Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats doivent faire marcher la planche à billets et les besoins en encre de qualité explosent. Cela tombe bien: Sicpa, qui a résisté comme d’autres entreprises épargnées par le conflit, bénéficie de la bonne réputation de l’industrie suisse, considérée comme rigoureuse et de qualité. Son produit est à cette époque unique, son personnel très sérieux: les gouvernements l’embauchent pour illustrer ses billets de la manière la plus fine possible, afin de rendre extrêmement complexe, voire impossible, la contrefaçon. C’est l’Espagne qui signe en premier avec un nouveau billet de cent pesetas en 1943, puis les Etats-Unis avec ses dollars. Tout sourit à la PME lausannoise.  
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Une plongée dans les archives fédérales, à Berne, permet de comprendre l’esprit de Sicpa à cette époque. Sur un papier à en-tête SICPA SA, il est écrit: “Par la présente, nous avons l’honneur de vous faire savoir qu’en date du 8 avril 1943 la direction de la Casa de Moneda de la Nacion Argentina, à Buenos Aires, nous a passé une commande de 12’500 kilos d’encres pour l’impression des billets de banque, pour une valeur de 525’584 francs” (environ 2,6 millions de francs d’aujourd’hui). La lettre, signée de la plume de Maurice Amon, s’adresse au Département fédéral de l’économie publique. Pourquoi la petite PME située à Malley, zone industrielle près de Lausanne, avertit-elle les autorités? Car en ce temps-là, explique l’historien Thibaud Giddey, spécialiste des archives, les paiements ne se faisaient pas de la main à la main, du fournisseur au client. “La Confédération mettait à SICPA la somme à disposition sur un compte en Suisse, et se chargeait de récupérer l’équivalent de la part de l’Argentine, dit-il. “C’est un système de compensation, qui était très utilisé pour le commerce international”.
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Rien d’étrange dans ces lettres jaunies que nous lisons consciencieusement rue des Archives, à Berne. Les courriers dénotent la modestie de la maison Sicpa, et son respect des règles en vigueur. A ce moment-là, son ascension débute. Avec ses formules modernes qui font des encres durables, la société a pris de l’avance et ne connaît pas de concurrence sur son marché. Dans les années 1950, Maurice Amon prend de l’âge: c’est Albert qui prend peu à peu les rênes de l’entreprise, avec la même application que son paternel.

"C’était quelqu’un d’extraordinaire, doté d’un vrai sens de l’industrie,” se souvient un avocat Lausannois, dont les parents étaient amis avec les Amon. “Il était un homme d’affaires avisé et a connu le succès grâce à une énorme capacité de travail et une réputation de gentleman. C’était un homme rigoureux, de parole, fort et juste. Et très généreux. Il avait aussi un grand sens de la famille”. 




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En 1952, Albert Amon convainc son ami Gualtiero Giori, imprimeur italien, de venir s’installer à Lausanne. Entre les deux usines, la collaboration est intense. Sicpa profite de ces années pour étendre sa renommée, trouver de nouveaux clients et multiplier les tests en laboratoire afin d’améliorer son produit. A chaque découverte, Maurice Amon et surtout Albert, prennent le soin de déposer un brevet, et lancent même, en partenariat avec l’Université de Lausanne, la création d’un standard pour les encres appliquées sur les billets de banque. Aujourd’hui, elle dispose de plus de 5000 brevets, dit-elle. 
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En 1969, Interpol décide que ce standard sera la norme mondiale pour l’impression des billets de banque - un immense accomplissement pour ce qui n’était encore qu’une PME vaudoise. A la fin des années 1980, les ingénieurs de l’entreprise mettent au point des encres variables, qui changent de couleur selon l’orientation du papier ou la manière dont on l’éclaire. Cette invention permet de fabriquer, pour chaque client, une encre unique, impossible à reproduire, comme une signature. Du sur mesure.
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Au début des années 2000, le marché des billets de banque est passablement couvert par la société vaudoise, qui voit aussi grandir des concurrents comme les allemands Gleitsmann Security Ink. Aujourd’hui même, il se murmure que toutes les coupures qui circulent dans le monde contiennent de l’encre Sicpa - sauf les yens japonais, très mystérieusement. Comment l’enseigne pourrait-elle donc se diversifier? En luttant contre un autre type de malfrats que celui des faux monnayeurs: les contrebandiers qui s’enrichissent en vendant de l’alcool et des cigarettes de contrefaçon.


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Le commerce illicite mondial représente en effet près de 500 milliards de dollars de pertes commerciales par an, selon le dernier rapport de l'OCDE sur le sujet. Ce fléau pèse sur les revenus des Etats, qui n’encaissent pas les taxes liées à toute une variété de produits.

Pour la Suisse, la perte est évaluée à 4,45 milliards de francs suisses en 2018 (4,62 milliards de dollars). Le secteur de l’habillement, des chaussures, du cuir et des produits connexes a subi les pertes les plus importantes (12,5% des exportations du secteur), suivi du secteur de l’horlogerie et de la bijouterie (6,1% des exportations du secteur).
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Dans ce contexte, l’idée de Sicpa est simple: elle propose d'apposer son encre sur d’autres papiers très spéciaux, des timbres fiscaux, qui prouveront la légalité des produits sensibles comme l’alcool ou les cigarettes. Avec son encre magique et la finesse de son dessin, chaque timbre est original et garantit que le produit acheté est officiel et déclaré.
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Il s’agit maintenant de convaincre les gouvernements de mettre en place ce système et faire confiance à Sicpa. Avec les mêmes valeurs que celles déployées avec les billets de banque: discrétion, technologie, savoir-faire. L’entreprise a un bon carnet d’adresses et se met à faire le tour du monde, pour signer des contrats. Une ambition qui lui aurait fait prendre des risques, alors que la gouvernance de l’entreprise se met à tanguer.
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Un marché sans frontières

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L’ascension de Sicpa a beau être vantée par la presse helvétique, peu de chiffres fiables ont à ce jour été publiés sur le sujet. La société reste familiale et n’a pas eu besoin de lever des fonds en Bourse, ce qui l’aurait contrainte à révéler des données financières exhaustives. Son chiffre d’affaires, évalué à 750 millions de dollars en 2003, aurait grimpé à 1,5 milliard en 2015, écrivait alors Le Temps. Aujourd’hui, l'entreprise refuse de donner à SWI swissinfo.ch une donnée actualisée, mais précise que la plus grande part des résultats proviennent toujours du marché des billets de banque.
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Le segment des timbres fiscaux a cependant pris de l’ampleur avec les années, même si Sicpa ne dit pas quelle proportion du chiffre d’affaires il représente aujourd’hui. Son nom? “SICPATRACE”. Ce marché, assez méconnu, est pourtant énorme, et représente une importante source de revenus pour les pays en voie de développement.

En deux décennies, Sicpa signe plus de 33 contrats dans 22 pays. Aujourd’hui, la solution est active dans 17 Etats, dont 6 en Afrique, selon l'entreprise.
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Le système est simple: pour éradiquer la contrebande sur des produits sensibles comme l’alcool et le tabac, des Etats choisissent de marquer les bouteilles et les paquets de cigarettes avec des timbres fiscaux uniques, qui en garantissent la légalité et attestent que les taxes ont été payées. 

Si à Casablanca, un hôtel veut servir un whisky à ses clients, il devra ainsi se fournir auprès d’un magasin officiel, sous peine d’être hors-la-loi. Un marchand de tabac à Los Angeles, en Californie, vendra uniquement des Malboro ou des Camel timbrées et si elles ne le sont pas, alors c’est qu’il vend des cigarettes frauduleuses.
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Sur le papier, le système est idéal. Car il permet aux Etats de gonfler leurs rentrées fiscales, sans quasiment débourser un centime. Ce sont les fabricants de tabac et d'alcool qui paient la différence, souvent repercutés sur le prix de vente. L’entreprise nous a exceptionnellement accueillis à son siège de Prilly, un bâtiment anonyme rectangulaire noir, cerné de fenêtres que surplombe le logo de l’entreprise, composé des lettres “S” et “A” enlacées. Notre rendez-vous est rarissime, puisque les interviews étaient généralement refusées jusqu'ici aux journalistes qui en faisaient la demande. Une démarche qui va dans le sens de l'image de transparence et de traçabilité que Sicpa souhaite désormais offrir. 
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Ce 19 novembre 2021, nous visitons une petite salle de présentation, où trônent des machines et des exemplaires de produits timbrés. Ruggero Milanese, directeur des solutions de marquage et de traçabilité chez Sicpa, est exceptionnellement convié à nous expliquer son métier. Et il ne manque pas de chiffres pour vanter la réussite de Sicpatrace: au Kenya, la première année de la mise en place du système, l’Etat aurait touché 45% de taxes supplémentaires sur l’alcool et le tabac. Au Brésil, elles ont grimpé de 30% en 2009. En Malaisie, c’est 100 millions de dollars de plus encaissés la première année d’implémentation, en 2004. Et en Albanie, 50% de production de bière en plus a été déclarée en 2010.

“C’est un cercle vertueux,” explique Ruggero Milanese. “Car sur place, les fabricants comprennent vite qu’ils ne pourront plus vendre des produits illicites. Donc le marché s’assainit, et l’économie souterraine diminue, ce qui augmente mécaniquement les recettes fiscales et le PIB [produit intérieur brut].”
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Le cas du Togo est significatif. A partir du 1er septembre 2020, toutes les usines de fabrication d’alcool et de cigarettes du pays d’Afrique subsaharienne, ainsi que les produits importés, ont ainsi été équipés de machines Sicpa, installées directement sur la chaîne de production. Au moment où la bouteille de bière est étiquetée et prête à être emballée puis acheminée vers les revendeurs, un timbre fiscal est collé sur sa capsule de manière à la sceller.
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De loin, c’est un joli timbre vert, vertical, plus long que les timbres postaux, illustré par des symboles du Togo, tel que le baobab. De près, ses couleurs brillent et changent légèrement du rouge au vert ou de l’or au vert, si on le fait bouger lentement. La finesse du dessin ferait rougir les plus passionnés des philatélistes… Mais son secret est invisible à l’oeil nu: il contient un code unique qui permet d’authentifier le produit et de vérifier si les taxes ont été payées. 
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Ce processus est filmé 24h/24h par une caméra placée au-dessus de la machine Sicpa, pour qu’aucune fraude ne soit possible. A Lomé, dans les bureaux togolais de la société suisse, où travaillent une trentaine d’employés locaux, les caméras montrent ces vidéos en temps réel. 
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Pour voir de près l’installation de Sicpa sur place, nous avions prévu de nous rendre à Lomé. Notre voyage n’a jamais pu aboutir. La raison: le représentant de l’Office togolais des recettes, qui a signé le contrat avec la société suisse, n’était pas d’accord.

Les revenus pour l’Etat sont au rendez-vous. Selon un rapport publié par le ministère de l’Economie et des Finances, en 2021, les recettes fiscales sur la bière et le tabac ont crû de 35% si on les compare aux années précédant la mise en place du système Sicpatrace. L’Office togolais des recettes estimait jusqu’alors à 22 millions d’euros le montant de la contrebande dans le pays sur un Produit intérieur brut (PIB) de 6,6 milliards d’euros en 2020.  
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Mais l’arrivée de Sicpa ne plaît pas à tout le monde. Car au Togo, comme ailleurs, du jour au lendemain, les fabricants et revendeurs perdent des rentrées d’argent parfois précieuses. Nul ne sait combien les autorités ont déboursé pour mettre en place ce projet, combien elles récupèrent exactement, et à combien se montent les frais de gestion de la société suisse.

"Le marché du marquage des produits a été confié à Sicpa, sans aucun appel d’offres. Or, c’est dans l’optique de lutter contre la corruption, la collusion, que les appels à concurrence ont été instaurés et adoptés par le gouvernement. On sait que les marchés gré à gré sont la porte ouverte aux dessous de table et autres vices", peste Godson Ketomagnan, journaliste spécialiste des marchés publics.
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Partout les contrebandiers sont mécontents, mais aussi les concurrents. Au fil des années, les succès de la petite société vaudoise vont provoquer l’ire des cigarettiers, et notamment des deux géants du secteur: Philip Morris International et British American Tobacco. Selon des spécialistes du secteur qui s’expriment sous le sceau de l’anonymat, une véritable guerre commerciale fait rage entre la société vaudoise et les multinationales du tabac.
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Philipp Morris, dont le siège européen ne se situe qu’à quelques kilomètres de celui de Sicpa, à Lausanne, n’aime pas partager: elle-même vante depuis 2007 “Codentify”, son programme servant à authentifier et tracer ses paquets de blondes.
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Dans ce marché toujours plus tendu, Sicpa va donc durcir ses méthodes, afin de convaincre les chefs d’Etat de lui faire confiance coûte que coûte. En s’inspirant des pratiques des sociétés actives dans les matières premières, qui s’appuient dans chaque pays sur des intermédiaires bien placés pour atteindre les lieux de pouvoir et obtenir l’accès à un gisement de pétrole ou à un chantier de travaux publics. La société vaudoise est loin de la graisse à traire, et de l’innocence des débuts. Elle joue désormais dans la cour des grands, dans un marché où la prise de risque est parfois importante. 
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Soupçons de corruption

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Le 26 janvier 2007, Gloria Macapagal-Arroyo, présidente des Philippines, entre dans un salon de l’Hôtel Belvédère à Davos. Elle est escortée par Hans Schwab, un haut cadre de l’entreprise vaudoise Sicpa et neveu du fondateur du WEF, Klaus Schwab. Mais c’est bien l’hôte de la soirée, l’héritier de Sicpa Maurice Amon, qui préside la réception.
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“Merci, Monsieur Amon”, lance la présidente dans un bref discours avant le service des entrées. “Merci pour le merveilleux dîner que vous organisez et pour vos aimables paroles. Même si nous n'avons pas encore commencé à manger, on me dit qu'en termes de liste d'invités cette soirée est la meilleure de tous les repas d'affaires de ce forum. Merci beaucoup!”
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Hans Schwab ne quitte pas la présidente des yeux. Pour une bonne raison. Il est chargé de vendre aux Philippines le tout dernier produit de la firme, SICPATRACE. Cette technologie censée permettre la localisation en direct de n'importe quel produit taxé, comme un paquet de cigarette ou une bouteille de bière, de la production au camion de livraison, en passant par les ports et les magasins.

Dans des propositions adressées au ministre des Finances des Philippines, Sicpa assure que l’usage de sa technologie serait capable de stopper l'évasion fiscale endémique des fabricants de cigarettes. L’hémorragie pour le Trésor public du pays se monterait à un million de dollars par jour. Pour 50 millions de dollars par an pendant cinq ans, promet Hans Schwab, Sicpa serait capable de colmater la fuite.
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Le problème est que la solution miracle SICPATRACE n’existe pas encore. La firme de Prilly a investi des sommes considérables pour développer cette technologie, seule à même de lui ouvrir un avenir alors que les ventes d’encres pour les billets de banque qui ont fait sa fortune sont promises à un déclin considéré comme inéluctable. Mais après quatre ans d’efforts, Sicpa n’a encore signé aucun contrat.
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C'est en 2002 que la société avait tenté pour la première fois de vendre SICPATRACE. Le premier client envisagé? Philip Morris. Le projet était d'aider le cigarettier à mettre fin aux imitations et à se conformer aux mesures prises par de nombreux gouvernements pour lutter contre la contrebande.

Sicpa avait dépensé des millions de dollars pour étudier la manière dont ses codes-barres invisibles pourraient être apposés sur chaque paquet de cigarettes, pour développer des lecteurs placés à la fin de la chaîne de production jusqu'au comptoir des douanes aux ports d'entrée - le tout pour un coût d’un centime par paquet.




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Mais Sicpa sonne à la mauvaise porte. Philip Morris estime que la solution SICPATRACE est trop lente sur une chaîne de production qui peut produire jusqu'à 700 paquets de cigarettes par minute. Au final, la multinationale américaine développera sa propre technologie concurrente, appelée Codentify. La firme vaudoise se tourne alors vers l'Asie du Sud-Est, dont les économies sont en plein essor.
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La Malaisie s’intéresse à la solution de Sicpa. La firme vaudoise y signe son tout premier contrat de traçabilité dans le secteur du tabac en 2004. Mais pour y parvenir, elle doit jouer des coudes. Le contrat est signé par une entreprise locale, Liberal Technology, dont Sicpa n’est que sous-traitante.

Selon un rapport rédigé en 2015 par des chercheurs de l’Université de l’Illinois et de l l’Université de Capetown spécialisés dans l’industrie du tabac, l’attribution du contrat en Malaisie se serait déroulée de manière “opaque” et sans appel d’offre public. Pire: la société locale détentrice du mandat était liée à des officiels malaisiens.

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Cette tentative de traçage du tabac échoue rapidement. Comme l’expliquent les auteurs du rapport de 2015, l’industrie du tabac se serait “constamment opposée” à l’application du système en Malaisie. Lors de son introduction, en 2004, une baisse temporaire de la consommation de cigarettes de contrebande est constatée.  Mais dès l’année suivante, lorsque l’essai de tracage prend fin, le trafic reprend de plus belle.

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Dans les quatre années qui suivent (2006-2010), le nombre de cigarettes illégales vendues en Malaisie est même multiplié par 2,5.
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En ce mois de janvier 2007, à Davos, l’objectif des héritiers Philippe et Maurice Amon est donc clair. Les négociations avec les Philippines doivent absolument aboutir. Un nouveau contrat sur cet immense marché serait l’occasion de rebondir après l’échec en Malaisie. Et pour y arriver, les deux frères auraient été prêts à prendre des raccourcis.

Un document obtenu par swissinfo.ch, au titre de la transparence de la justice, révèle les dessous du fameux dîner de janvier 2007 au World Economic Forum de Davos. Il provient d’une enquête du Ministère public de la Confédération (MPC) ouverte contre Sicpa, en 2014, pour corruption d’agents public étrangers. Cette procédure, qui vise les activités de l’entreprise dans plusieurs pays, est toujours en cours.
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Le document est daté de septembre 2020. Résumant l’origine de l’enquête fédérale, il raconte comment Maurice Amon et Hans Schwab ont passé un accord secret avec des proches de la présidente Gloria Macapagal-Arroyo, quelques mois seulement avant la venue de cette dernière au World Economic Forum de 2007.

Le MPC fait état d’une rencontre entre Hans Schwab et Maurice Amon avec Anthony Arroyo, neveu de Jose Miguel Arroyo, époux de la présidente Gloria Arroyo. L’homme est particulièrement bien connecté à Manille. En plus de sa relation privilégiée avec le “premier gentleman” des Philippines, Anthony peut compter sur le soutien d’un autre oncle, Iggy Arroyo, membre influent du congrès.

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Le document indique que lors de cette rencontre de 2006, Anthony est recruté comme représentant de Sicpa pour $5000 par mois, un montant qui dépasse largement le salaire annuel moyen aux Philippines ($3,850 par an). Et ce n’est pas tout. Une “commission au succès” de $200 000 est également convenue.

Objectif de la nouvelle recrue? Aider Sicpa à “gérer les relations avec son oncle et la présidence”, résume le MPC. Plus grave: “il est clair à ce moment-là qu’une partie de la commission devait revenir à José Miguel Arroyo”, précise le document suisse.
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En clair, Sicpa s’apprêtait à verser une prime au mari de la présidente des Philippines, José Arroyo, en échange de l’attribution d’un contrat public, ce qui pourrait constituer un acte de “corruption d’agent public étranger”, selon le ministère public de la Confédération. Un crime punissable de cinq ans de prison selon le droit suisse.

Toujours selon le MPC, le pacte avec la famille Arroyo ne se limitait pas à la solution SICPATRACE. Trois ans plus tard, en 2009, un nouveau deal est passé pour la fourniture d’encres à la Banque centrale des Philippines. Une nouvelle “commission au succès” est alors prévue, cette fois pour un montant beaucoup plus élevé. Toujours selon le document en notre possession, cette nouvelle prime portait sur trois millions de dollars par an, sur 6 ou 7 ans, soit sur la durée du contrat de fourniture d’encres.
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Mais malgré ces efforts, les choses tournent mal à Manille. En privé, Sicpa se dit victime d’une campagne de dénigrement des grands fabricants de cigarettes. Comme en Malaisie quelques années plus tôt, une intense activité de lobbying se met en place pour tuer le projet SICPATRACE. Hans Schwab s’exprime dans la presse philippine et devant une commission du parlement pour défendre la solution vaudoise, mais rien n’y fait.

Dans le sillage de Sicpa, deux concurrents se présentent pour fournir leur propre solution de marquage fiscal au gouvernement philippin. Il s’agit d’une petite société chinoise totalement inconnue, et, surtout, de la puissante firme Philip Morris and Fortune Tobacco Corp. Cette co-entreprise locale que Philip Morris a fondé avec le milliardaire sino-philippin Lucio Tan contrôle plus de 90% du marché du tabac aux Philippines.

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Peu après, le gouvernement philippin renonce à la solution suisse. La responsable du Trésor, Kim Henares, critiquera plus tard la solution proposée par Sicpa. “Bien qu'utile, cette technologie s'est avérée trop sophistiquée et trop chère pour les besoins du gouvernement. C'est comme si on nous proposait d'utiliser une tondeuse à gazon alors que nous n'avons besoin que d'une simple machette ou d'un bolo”. Les Philippines finiront par mettre en place leur propre système de marquage fiscal des cigarettes, en 2014, sans parvenir à enrayer la contrebande.
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Hans Schwab, l’homme de Sicpa à Manille, quitte l’entreprise en 2009. Ses connexions avec la présidence ne valent d’ailleurs plus grand chose. Le “premier gentleman” José Miguel Arroyo est assailli d’accusations de corruption, à tel point qu’il doit quitter le pays. Son épouse, Gloria Macapagal-Arroyo, ne tient pas beaucoup plus longtemps et quitte le pouvoir en 2010. Elle sera arrêtée l’année suivante, accusée de fraude électorale et de détournements de fonds.

Au final, rien ne permet d’établir si les “commissions au succès” convenues par Sicpa avec les proches de la présidente Gloria Macapal Arroyo ont été versées ou non. Le bureau du Ministère public de la Confédération, tout comme l'entreprise, refusent de commenter la question.
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Fortune au Brésil

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L’échec du contrat aux Philippines est cuisant, mais Sicpa a déjà les yeux ailleurs. Car une opportunité s’ouvre enfin à l’autre bout du monde.

En 2007, le Brésil attribue un contrat de traçabilité du tabac à l’entreprise vaudoise. Encore mieux: le gouvernement de Brasilia envisage même d’étendre cette solution à la perception des taxes sur l'alcool et les limonades. Les perspectives sont gigantesques. En effet, la contrebande dans le secteur des boissons coûte des milliards à l’Etat. En 2003, l'évasion fiscale était estimée à 30% du total des ventes de boissons non alcoolisées, et 15% pour la bière.

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Sicpa s’engouffre dans la brèche. L’homme choisi par Sicpa pour cette nouvelle mission s’appelle Charles Finkel. Il occupe alors le poste de “vice-président exécutif” de Sicpa aux Etats-Unis et visite régulièrement le siège de l’entreprise à Prilly. C’est un homme de confiance de Maurice et Philippe Amon.

Pour Sicpa, Charles Finkel, qui est engagé en tant que consultant privé pour cette mission, a le profil idéal. Il connaît le Brésil, où il a travaillé de longues années. En parallèle de ses activités pour la société vaudoise, il poursuit une activité de consultant via sa propre société, CFC Consulting Group.

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En 2008, la filiale brésilienne de Sicpa signe le contrat SICOBE avec la Casa da Moeda, la société d'État en charge de l'impression de la monnaie et des timbres fiscaux. Pour Sicpa, c’est le contrat du siècle: 3,3 milliards de réais, soit près de deux milliards de francs suisses, pour améliorer la traçabilité de l'ensemble des bouteilles de soda et de bière vendues au Brésil.

Le système vendu par Sicpa est coûteux et complexe. Au lieu de remplir à la main, comme ils le faisaient jusqu'ici, les quantités produites à l’usine, les fabricants de boissons doivent installer les machines de Sicpa sur leurs lignes de production qui étiquettent automatiquement chaque bouteille. Plus de place pour l’improvisation. Selon une étude financée par le lobby des producteurs de boissons, les recettes fiscales auraient augmenté de 20% au Brésil après l’installation du système SICOBE.


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Mais en 2015, les choses tournent à l’aigre. La police fédérale brésilienne lance une enquête sur la Casa da Moeda, une institution déjà secouée par plusieurs scandales de corruption. En quelques mois, l’opération Vicios met à jour les agissements de Sicpa pour garantir l’obtention du fameux contrat SICOBE. Et les découvertes des enquêteurs s’avèrent accablantes pour l’entreprise suisse.
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Pour obtenir ce contrat du siècle, Charles Finkel n’aurait pas lésiné sur les moyens. Selon une enquête de la police fédérale brésilienne, le “vice-président” de Sicpa aurait versé pas moins de 15 millions de dollars de pots-de-vin à un inspecteur fédéral des impôts, Marcelo Fisch. Ce dernier avait été mandaté comme expert par la Casa da Moeda pour la conseiller sur la solution à retenir. Les pots-de-vin lui auraient été versés sur un compte bancaire au nom de sa femme, sous la forme de virements mensuels de 250’000 dollars. Le tout pendant cinq ans, entre 2009 et 2015. L’argent provenait de la société de consulting de Charles Finkel, CFC Consulting Group. 

Car Charles Finkel n’était pas un consultant comme les autres. Au lieu de déguiser ses pots-de-vin en “commissions” à des proches de membres du gouvernement, la firme aurait laissé le champ libre à Charles Finkel pour négocier et verser lui-même les fonds corruptifs à Marcelo Fisch, selon le ministère public brésilien. En agissant via sa société de consulting, l’homme d’affaires aurait pris des risques considérables.





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Selon la thèse défendue par Sicpa, Charles Finkel aurait ainsi versé de sa poche les 15 millions de dollars à Marcelo Fisch. Interrogée à ce propos, la société affirme en effet que l’Américain "agissait en tant que consultant et à titre privé".

Selon une source, ce montant aurait ensuite été déduit d’une importante commission - dont le montant n’a pas été révélé par l’enquête - versée par Sicpa en récompense de ses efforts pour l'attribution du contrat SICOBE.

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Interrogée par swissinfo.ch, Sicpa maintient sa version des faits. Selon l’entreprise, “les paiements irréguliers ont été effectués par des tiers sans implication, connaissance ou intention de Sicpa. Ceux-ci ne remettent pas en cause la validité des contrats conclus au Brésil et n'engagent pas la responsabilité pénale de l'entreprise ou de ses dirigeants.” 

En 2016, le contrat SICOBE n’est pas renouvelé. A la suite de ces problèmes judiciaires, les machines installées par Sicpa dans les usines sont désactivées, et les fabricants de boissons doivent revenir en urgence à l’ancien système de déclaration manuelle. Pour l’entreprise vaudoise, c’est une catastrophe. En juin 2017, Sicpa annonce 150 licenciements à son siège de Prilly, et 850 au Brésil.
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En 2019, Charles Finkel est condamné à 11 ans et demi de prison pour corruption par la justice fédérale brésilienne. Il sera cependant acquitté en deuxième instance. Trois ans plus tard, le 7 juin 2021, Sicpa signe un “accord de clémence” avec le bureau du Contrôleur général de l'Union, une agence administrative anti-corruption, acceptant de verser 135 millions de francs d'amende et e “restitutions”.

Dans un communiqué publié le jour même, Sicpa y reconnaissait sa "responsabilité objective" pour des "irrégularités relatives à certains paiements", tout en niant que "les contrats en cause aient été obtenus frauduleusement".

Selon la firme de Prilly, "aucune implication, connaissance ou intention de SICPA concernant ces paiements effectués au Brésil n'a été établie". Grâce à cet accord, Sicpa a récupéré le droit de répondre à des appels d’offre au Brésil.

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En mai 2022, la justice brésilienne a fini par acquitter Charles Finkel, ainsi que l’ancien fonctionnaire des impôts Marcelo Fisch. Tous deux avaient recouru contre leurs condamnations de 2019. Les juges de la Cour d’appel de Rio de Janeiro ont estimé que l'ancien fonctionnaire avait été condamné à tort, car les faits de corruption concernaient la Casa da Moeda. Or Marcelo Fisch y agissait comme expert indépendant, et non comme employé. 

L’avocat de Charles Finkel, Marcelo Bessa, s’est aussitôt exprimé dans la presse brésilienne pour saluer le jugement qui, à ses yeux, confirme qu’il n’y a eu “aucun crime de d'aucune sorte dans le cas concret”. 

Dans une opinion divergente publiée en marge de la décision, un des trois juges d’appel estimait que "la matérialité et la paternité criminelle” restaient “abondamment démontrées: Marcelo Fisch a eu une participation décisive dans le processus de choix de la société SICPA par la Casa da Moeda [...] le tout en échange d'une rémunération indue de plusieurs millions".


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Marcelo Fisch, expliquait le juge, avait permis à Sicpa de rédiger sa candidature pour coller exactement à l'appel d'offres de la Casa de Moeda, par le biais notamment d'une étude de faisabilité technique.

Ses deux collègues n’ont pas suivi l’argument, et se sont prononcés pour l’acquittement de Marcelo Fisch. Et sans corrompu, plus de corrupteur. Charles Finkel a donc bénéficié de la même mesure.

"Nous sommes ravis de cette décision de justice qui déclare Messieurs Finkel et Fisch non coupables de corruption, se félicite aujourd’hui la firme de Prilly. De cette décision découle que les accusations à l’encontre de SICPA dans cette procédure dirigée contre notre ancien consultant brésilien étaient infondées, position que nous avons toujours défendue."

La décision brésilienne risque de fragiliser la procédure fédérale suisse, toujours en cours, visant l'entreprise et son directeur Philippe Amon. Celle-ci portait à l'origine sur les activités de l'entreprise dans quatorze pays. Selon Sicpa, ce chiffre serait désormais tombé à quatre, dont la Colombie et le Brésil. Le MPC ne s'exprime pas sur ce point.
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La Suisse enquête

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Les problèmes judiciaires de Sicpa ne se limitent pas au Brésil. Entre 2009 et 2014, les agissements de la société attirent l’attention des autorités de plusieurs pays. Ces soupçons finiront par convaincre le parquet fédéral suisse de s’y pencher à son tour. De manière inattendue, l’élément déclencheur de l’enquête suisse sur Sicpa viendra des Etats-Unis.

Fin 2014, le Département américain de la justice adresse une curieuse missive aux autorités suisses. Le document est un “projet” de demande d’entraide. En temps normal, les autorités étrangères qui sollicitent l’aide de la Suisse pour conduire leurs enquêtes envoient directement une requête complète, quitte à demander de nouvelles précisions par la suite. Dans ce cas, pourtant, le Département américain de la Justice ne va pas jusqu’au bout. En clair: il se contente de fournir des informations à la Suisse sur les activités de Sicpa.






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La missive américaine, dont l’existence est rapportée dans le document du MPC daté de septembre 2020 dont nous avons déjà parlé, est une bombe. Le Département de la Justice décrit la rencontre de Maurice Amon et Hans Schwab avec Anthony Arroyo quelques mois avant le forum de Davos de 2007. Tout y est inscrit: les noms, les dates, les lieux et le détail des montants des “commissions” convenues entre Sicpa et les représentants de la présidente Gloria Arroyo.

Sur la base des informations reçues des Etats-Unis, le MPC ouvre une enquête contre Sicpa, début 2015, pour “corruption d’agents publics étrangers”. La procédure vise également Hans Schwab.

De manière surprenante, pourtant, le “projet” de demande d’entraide des Etats-Unis ne sera, d’après nos recherches, jamais suivi d’une requête en bonne et dûe forme. Il ne nous a pas été possible d’établir non plus dans quel contexte les autorités américaines s’étaient intéressées à Sicpa et à ses agissements aux Philippines. Interrogé à ce propos, le MPC se borne à confirmer que l’enquête sur Sicpa a été déclenchée “sur la base d'informations provenant d'une demande d'entraide judiciaire”.
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Quoi qu’il en soit, l’enquête suisse prendra rapidement de l’ampleur grâce à un nouveau rebondissement. En 2015, l’entreprise lausannoise KBA-Notasys se dénonce au MPC. Basée à quelques encablures de sa voisine de Prilly, cette société active dans la fabrication de machines à imprimer les billets de banques est un partenaire historique de Sicpa. Elle avait été fondée à Lausanne par Gualtiero Giori, en 1952, avec le soutien d’Albert Amon. La société avait été rachetée en 2001 par le groupe industriel allemand Koenig & Bauer.


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Face au MPC, KBA-Notasys reconnaît le versement de dizaines de millions de dollars de pots-de-vin, de 2008 à 2015, au Maroc, au Brésil, au Nigéria et au Kazakhstan. En se dénonçant, KBA espère clore l’affaire rapidement avec une sanction légère. L’entreprise joue donc cartes sur table.

Or, en épluchant les données bancaires produites par KBA-Notasys, les enquêteurs fédéraux découvrent des liens avec la voisine de Prilly. Les deux entreprises auraient en effet partagé les mêmes consultants dans plusieurs pays pour négocier le versement de pots-de-vin à des fonctionnaires locaux.
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Entretemps, l’affaire rebondit à Lausanne. Suivant la piste fournie deux ans auparavant par les autorités américaines, le Ministère public de la Confédération perquisitionne le siège de Sicpa à l’automne 2016. Les boîtes emails d’une dizaine de cadres sont saisies, dont celles de Philippe Amon, de Hans Schwab et de plusieurs responsables régionaux.

Après le Brésil et les Philippines, l'enquête suisse est alors étendue à douze nouveaux marchés: Togo, Ghana, Egypte, Inde, Kazakhstan, Colombie, Nigeria, Pakistan, Sénégal, Vietnam, Venezuela et Ukraine. 

En septembre 2020, le volet de l’enquête concernant Hans Schwab est classé sans suite. Mais quelques mois plus tard, le MPC lâche une nouvelle bombe. Le 14 juin 2021, le MPC confirme au média spécialisé Gotham City que son enquête est désormais étendue au "propriétaire et actuel CEO de Sicpa", Philippe Amon.



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L'ouverture d'une procédure pénale pour corruption d'agents publics étrangers à l'encontre du CEO d'une entreprise suisse est un fait rarissime. A notre connaissance, cela n’était arrivé qu’une seule fois. Le président de la firme bâloise Ameropa Holding avait été condamné en 2016 pour des pots-de-vin versés en Libye, mais uniquement pour complicité de corruption.

L’enquête fédérale se poursuit. La présomption d’innocence prévaut, tant pour la société Sicpa que pour son directeur.

La société assure aujourd’hui qu’elle “coopère pleinement” avec l’enquête fédérale, tout en niant toute responsabilité. “Nous contestons que notre entreprise ait été impliquée ou ait eu connaissance de toute conduite illicite de la part de certains de nos consultants externes, indique la firme. Nous sommes confiants quant au fait que la procédure établira que la responsabilité pénale de notre entreprise et de notre directeur général n'est pas engagée.”


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Selon Sicpa, l’enquête du MPC se limiterait désormais à quatre pays, dont le Brésil et la Colombie (elle ne précise pas les deux autres). Le MPC confirme que les activités de Sicpa dans ces deux marchés latino-américains sont bien visés par son enquête, mais il n’est pas en mesure de fournir des informations sur le nombre exact de pays dans lesquels Sicpa est visé en ce moment.   

Interrogé par swissinfo.ch, Hans Schwab n’a pas souhaité s’exprimer. Selon nos informations, les milliers d’e-mails et de documents saisis par le Ministère public de la Confédération lors de la perquisition chez Sicpa auraient montré qu’il s’était opposé aux versements à certains consultants exposés.
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La famille se divise

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“Où sont les femmes?” Telle est la question qui nous vient à l’esprit en lisant les noms qui se sont succédé, toutes ces années, à la gouvernance de la société Sicpa. Il semble en effet que rien n’a ébranlé la lignée masculine, démarrée par le fondateur Maurice Amon. A chaque changement de génération, seul l’un des héritiers est choisi, et ce n’est jamais une héritière… Cela commence après la Seconde Guerre mondiale, quand Albert rejoint son père à la tête de l’entreprise vaudoise. Son frère Salvador fait bien partie de la famille, mais il ne prend jamais le gouvernail de la société - tout juste a-t-il une place au Conseil d’administration.

Sicpa n’est pas cotée en Bourse, et ses propriétaires ont toute liberté pour prendre les décisions qui leur conviennent.


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Albert règne longtemps à la tête de l’entreprise et sous ses ordres vient la prospérité. Avec son épouse Claudie, qui comme sa belle-mère s’est consacrée à la gestion de son foyer, il a trois enfants: Maurice, Philippe et Monique. En 1996, après un demi-siècle de travail, le père prend sa retraite - il décèdera en 2010.

La jeune femme ne semble pas avoir d’ambitions de carrière, aussi la place du successeur se dispute-t-elle entre les deux frères. Ensemble, ils gèrent l’entreprise pendant cinq ans. Mais entre eux, les liens sont compliqués, comme nous l’explique une source proche de la famille. Maurice est un grand coeur, qui aime les voyages et les fêtes entre amis. Il se marie trois fois et parcourt le monde pour le compte de Sicpa, préférant les fastes de Monaco aux bords du Léman.
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Réveillon 2007. Maurice, en instance de divorce pour la seconde fois, rencontre Tracey Hejailan dans le lobby d’un hôtel de Gstaad. Cette Californienne de 30 ans sort elle aussi d’un divorce compliqué avec un homme d’affaires saoudien. C’est le coup de foudre. Maurice Amon et Tracey Hejailan-Amon se marient à Hong Kong. S’ensuit une course folle de palace en palace, entre emplettes de tableaux de maître et de bijoux hors de prix. Les frasques du couple font la Une des magazines People. 

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Ils posent dans les soirées de la jet set et multiplient les réceptions dans leurs immenses chalets de Gstaad. Selon le magazine Capital, le couple aurait dépensé entre 500 et 700 millions d’euros durant ces années folles, entièrement puisés dans l’héritage Sicpa.
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En septembre 2015, Maurice demande le divorce à Monaco. Tracey ne se laisse pas faire. Craignant que le droit de la Principauté lui soit défavorable, elle conteste la compétence de la justice monégasque et tente de faire transférer la procédure de divorce à New York. La presse internationale couvre l’affaire avec délectation, dans ce qui devient un feuilleton à scandale. Pour la famille Amon, si discrète depuis des générations, c’en est trop.

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En 2015, les deux frères séparent officiellement leurs affaires. Philippe gardera l’entreprise familiale, Maurice prendra le cash. Selon le récit distillé par l'entreprise, Maurice Amon était "graduellement sorti de l’empire familial, jusqu’à quitter le conseil d’administration de la société en mars 2015", laissant pacifiquement la main à Philippe et empochant une somme mirobolante, estimée à plus d'un milliard de francs.

Mais ce divorce entre les deux héritiers cache peut-être une autre affaire. En 2019, un jugement du Tribunal fédéral révélera que Philippe Amon avait licencié son frère Maurice, début 2015. Le premier accusait le second d’avoir développé des activités commerciales concurrentes à celles de Sicpa, sans en informer le conseil d’administration. Pire: Maurice Amon avait investi dans une entreprise de paiements sans contact, appelée GoSwiff. Or cette solution digitale concurrençait la vache à lait de l’entreprise familiale: l’impression des billets de banques.


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“Tu ne peux pas prétendre ignorer que la division 'encres de sécurité' est l'un des piliers du groupe et que les moyens de paiement 'cashless' représentent pour celle-ci une menace sérieuse”, écrivait Philippe Amon à son frère Maurice dans une lettre de licenciement, largement citée dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 29 août 2019.

“Le groupe Sicpa vit et dépend du maintien et du développement de la masse de billets de banque en circulation, poursuivait-il. Toutes les solutions cashless nous portent donc directement préjudice, particulièrement lorsqu'elles sont adoptées par des clients de Sicpa. Il y a ainsi un conflit d'intérêt grave et certain entre ta position au sein de Sicpa, en tant qu'employé et en tant qu'administrateur.”
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En 2018, un tribunal vaudois avait donné raison à Maurice, condamnant Sicpa à lui verser 10,6 millions de francs de réparation. La Cour avait considéré que les activités parallèles de Maurice Amon constituaient certes une violation du devoir de fidélité à l'égard de l’entreprise, justifiant un licenciement. Pourtant, Philippe Amon, qui connaissait cette situation depuis 2014, n’avait dénoncé Maurice qu’en 2015. En tardant à réagir, estimait le tribunal, Sicpa avait perdu le droit de licencier son “employé” avec effet immédiat.

Sicpa avait contesté ce jugement devant le Tribunal fédéral. Or, le jugement de Mon Repos est arrivé trop tard. Le 26 juillet, Maurice Amon décédait d’un arrêt cardiaque à St-Tropez, à l’âge de 68 ans. L’arrêt du Tribunal fédéral qui lui donnait raison a été rendu un mois plus tard.

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Le tournant digital

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Les échanges amers entre les deux frères Maurice et Philippe Amon, en 2019, montrent à quel point la crainte d’une baisse du nombre de billets de banque en circulation hantait l’entreprise. Cette menace planait depuis le début des années 2000. L'essor des solutions de paiements numériques dans le monde entier représentait un danger vital pour Sicpa, qui était traditionnellement rémunéré en fonction du nombre de billets imprimés par les banques centrales.

Pour y répondre, Sicpa a été poussée à se diversifier dans d’autres secteurs, comme nous l’avons vu. En premier lieu: le tabac et les boissons avec des contrats au Brésil (2007), au Canada (2008) et en Californie (2010). La société réalise ensuite une percée en Afrique, avec le Maroc en 2010, le Kenya en 2013, l’Ouganda en 2018 et enfin le Togo, en 2020.


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Puis, dès 2016, Sicpa développe son offre dans de nouveaux secteurs. A Dubaï, par exemple, sa technologie assure la traçabilité et le suivi des bonbonnes d’eau pour s’assurer que celles-ci n’ont pas été rechargées en violation des règles sanitaires. Cette même année, en Suisse, elle s’allie avec la société pharmaceutique Clariant pour certifier l’authenticité de ses instruments chirurgicaux au moyen d’un marqueur. En 2018, Sicpa a gagné un appel d’offres en Turquie pour gérer la billetterie de 54 musées, dont le célèbre Palais de Topkapi à Istanbul.  
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Également en 2016, Sicpa rachète pour 16 millions de dollars la société canadienne Global Fluids International, détentrice d’une technologie de traçabilité des produits pétroliers au niveau moléculaire. Ce marquage chimique permet notamment de détecter les fraudes lors du raffinage, du traitement ou de la distribution du pétrole. Si une cargaison a été diluée, par exemple, la technique permet de retrouver le point de la chaîne d’approvisionnement où le mélange a eu lieu. Cette solution de traçabilité du pétrole est utilisée aujourd’hui en Ouganda, en Tanzanie et au Kenya.

En 2017 encore, la firme passe un partenariat avec la société estonienne Guardtime, qui a développé les solutions de “gouvernement numérique” dans son pays. En 2022, cette collaboration a débouché sur un contrat avec le canton du Jura pour assurer la sécurité des documents officiels numériques. Cette solution appelée Certus permet par exemple de protéger les extraits de poursuites demandés par les citoyens au moyen d’un code QR.


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Ces développements ne débouchent pourtant pas tous sur des succès. En 2021, Sicpa a essuyé un cuisant échec avec sa proposition de certificat Covid numérique. Elle s’était alliée à l’entreprise lausannoise d’informatique ELCA pour soumettre une offre à l’Office fédéral de la santé publique. Basée sur sa technologie Certus, la solution était décentralisée et sécurisée par une blockchain. Mais la Confédération a finalement décidé de développer sa propre solution en interne, en confiant la conception du “passe vaccinal” à Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT).
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Ces efforts de diversification mis en oeuvre à marche forcée depuis 2016 portent-ils leurs fruits? Difficile de le savoir. L’entreprise ne publie aucune information sur ses finances. Toujours est-il que les choses n’ont pas tourné comme prévu. Trois ans après le licenciement de Maurice Amon par son frère Philippe, qui lui reprochait de saper l’avenir de la firme familiale en investissant dans une société de paiements électroniques, et plus de cinq ans après la mise en place de la diversification dans le traçage du pétrole, de l’eau en bouteilles et des instruments chirurgicaux, le secteur historique des encres pour billets de banque n’est toujours pas mort. Au contraire: il ne s’est jamais aussi bien porté.


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Les banquiers centraux appellent cela le “paradoxe des billets de banque”. Le phénomène s’observe partout. Que ce soit en Europe, aux Etats-Unis comme en Australie ou à Singapour, la demande de cash n'a cessé d’augmenter alors que dans ces mêmes régions, les billets sont de moins en moins utilisés pour régler des transactions. Les cartes sans contact, les applications de paiement et le commerce électronique ont vidé les portefeuilles de leurs petites coupures. Sur ce point, Sicpa avait vu juste. Mais personne n’avait vu venir cet autre phénomène parallèle: le nombre de billets en circulation a explosé dans le même temps.

Dans un rapport de 2021 dédié à ce paradoxe, la Banque centrale européenne explique que fin de 2020, la valeur de la totalité des euros en circulation s'élevait à 1435 milliards d'euros, soit une augmentation de 11% par rapport aux 1293 milliards d'euros de 2019. Cette hausse a encore été accentuée durant la crise du covid.


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De même, la valeur totale des dollars américains en circulation a bondi de 16% rien qu'en 2020, dépassant pour la première fois les 2000 milliards de dollars, soit quatre fois plus qu’il y a vingt ans. Cette forte demande de cash concerne surtout les billets à forte dénomination, comme le notait la Banque nationale suisse en 2019.

“Nos résultats indiquent une quantité non négligeable de thésaurisation, en particulier pour les grosses coupures, observe la BNS, notant que le phénomène s’est accentué“ de manière significative depuis le début du millénaire et les récentes crises financières et économiques”.

Les ménages des pays riches ne paient plus en cash, mais une partie d’entre eux préféreraient garder leurs économies en billets sous leurs matelas… ou ailleurs. Selon l’hebdomadaire The Economist, une autre partie de cette thésaurisation de grosses coupures pourrait également provenir de l’économie criminelle, comme la fraude fiscale, le blanchiment ou le trafic de drogue. Pour Sicpa, peu importe l’origine du phénomène. L’entreprise touche ses revenus de chaque nouveau billet de banque imprimé. Et plus il y en a, mieux elle se porte.
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Conclusion

Bientôt cent ans après le coup de génie du patriarche Maurice Amon, qui avait su transformer l’usage de la graisse à traire pour propulser son entreprise vers de nouveaux horizons, son invention nourrit toujours l’entreprise familiale. Les efforts de diversification entrepris en 2016 lui ont permis de s’ouvrir à de nouveaux marchés, qui contribuent progressivement à faire évoluer sa culture.
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En 2021, Sicpa annonçait l’embauche de Jean-Philippe Gaudin, l’ancien directeur du Service de renseignement de la Confédération, au poste de directeur des affaires stratégiques en tant que Strategic Affairs Director. Face à un monde marqué par des “menaces multiples” et “inédites”, Sicpa “a toujours eu à cœur” d’offrir aux gouvernements et aux institutions qu’elle protège les “solutions de sécurité qui renforcent leur souveraineté”, expliquait alors la firme dans son communiqué. L’avenir dira si ces promesses lui permettront de regagner la confiance qu’elle réclame.
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Impressum

Enquête et texte:  François Pilet et Marie Maurisse
Production multimédia: Helen James et Carlo Pisani
Édition: Dominique Soguel et Virginie Mangin
Infographie: Kai Reusser
Coordinatrice du projet: Dominique Soguel

Images: Yanick Folly (au Togo), Pascal Staub (illustration),  images de drone (droits réservés). Reuters, SRG SSR / SWI swissinfo.ch, Keystone, swisscastles. chalamy.com, Getty Images, Sicpa, Wikimedia/commons, Agenzia,  Fotogramma, Gotham City

L'article a été republié le 18 août 2022 pour préciser la définition du "unlimitrust campus" ainsi que le nombre de brevets totaux déposés par l'entreprise.






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  • Credits: AFP, Agenzia Fotogramma, Alamy, Bundesarchiv / Gotham City, Carlo Pisani / SWI swissinfo.ch, Getty Images, Gotham City, Keystone, Keystone , Keystone / The Print Collector / Unknown, Library of Congress / Wikimedia Commons, Marie Maurisse, François Pilet , RTS / SWI swissinfo.ch, Reuters, SRF / SWI swissinfo.ch, SRF / SWI swissnfo.ch, SWI / Pascal Staub, SWI Yannick Folly, SWI swisissinfo.ch, SWI swissinfo.ch, Sicpa, Steve Mack / Alamy, Swisscastles.ch, U.S. Embassy in the Philipines, Wikicommons, screenshot: Vanity Fair / Metro, screenshot: www.bger.ch

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